L’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté la Convention sur la violence et le harcèlement (Convention 190) et les recommandations correspondantes en juin 2019, marquant la première fois que ces problèmes étaient traités dans des normes internationales du travail.
Établir une définition adéquate du harcèlement sexuel au travail est la première étape pour sensibiliser autour de ce comportement inacceptable et pour pouvoir répondre au problème efficacement. Clarifier ce qu'est le harcèlement sexuel en nommant officiellement les comportements associés comme tel peut aider à attirer l'attention sur leur nature problématique et à apporter du soutien aux victimes de harcèlement sexuel en défaisant l’idée que cela est un aspect « normal » du travail.
Ce travail de définition est bien entendu particulièrement important dans la législation car il servira de base pour faire valoir des droits, enquêter et répondre aux plaintes. Avec une définition étroite ou peu claire, les recours en cas de certaines formes de harcèlement sexuel pourraient être limités voire inexistants. Elle pourrait également semer le doute chez les employées et les employés, qui ne comprendraient pas quel comportement est inacceptable, pourquoi, et les conséquences probables, ce qui priverait certaines personnes des protections nécessaires.
Le harcèlement sexuel au travail est souvent défini dans les catégories plus larges de « violence et harcèlement dans le monde du travail » et de « violence et harcèlement fondés sur le genre ». Bien que ce concept de harcèlement sexuel soit difficile à résumer dans une définition unique, certaines similitudes apparaissent entre les définitions utilisées par des acteurs nationaux et internationaux.
Le harcèlement sexuel peut consister en tout type d’acte (y compris des plaisanteries, des gestes, des déclarations, des contacts physiques, des communications en ligne, entre autres) qui :
Il existe deux éléments couramment inclus dans les définitions du harcèlement sexuel qui peuvent en réalité limiter les protections et qui devraient être étudiés soigneusement : le fait qu’un acte doit être répété pour être considéré comme du harcèlement sexuel, et le fait que la victime déclare verbalement son non-consentement à l’acte.
Dans la compréhension juridique du harcèlement sexuel au travail, il existe généralement deux catégories spécifiques : l’environnement de travail hostile et le chantage sexuel. Le harcèlement sexuel peut se produire non pas uniquement sur le lieu de travail d’une personne mais plus globalement dans son « monde du travail, » comme l'explique l’OIT.
Le harcèlement sexuel au travail peut être commis par ou viser des individus de tout genre, dans des structures de pouvoir verticales et horizontales.Toutefois, la plupart des victimes de harcèlement sexuel sont des femmes. Cela découle d’inégalités des genres persistantes dans le monde du travail qui sont dues aux relations de genre inégales dans l’ensemble de la société.
Dû à des inégalités de pouvoir accrues, certains groupes de femmes sont particulièrement sujettes au harcèlement sexuel au travail, comme : les travailleuses migrantes, les femmes ayant un emploi atypique ou informel, celles qui travaillent dans des conditions d’isolement ou dans des lieux reculés (dans un ménage ou un champ), et celles qui travaillent avec le public (en particulier dans les contextes de la santé et de l’éducation) ou au service à la clientèle (source). Il est par conséquent important d’appliquer une approche intersectionnelle à cet égard. Si conserver la neutralité en termes de genre dans les définitions du harcèlement sexuel afin de garantir que tout le monde soit protégé est généralement considéré comme étant une bonne pratique, ces définitions doivent aussi reconnaître le rôle du genre et du pouvoir dans les cas de harcèlement sexuel, et que certains groupes peuvent avoir besoin d'attention et de protections supplémentaires.
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Le harcèlement sexuel est une violation des droits de la personne et sa présence sur le lieu de travail est une forme de discrimination et une insulte au droit à un travail décent. Le fait que les femmes soient les principales victimes de harcèlement sexuel est une conséquence de l’inégalité économique et sur le lieu du travail qu’elles subissent, et y contribue à la fois. Ce problème a des impacts sur la santé et la sécurité, l’indépendance économique et la qualité de vie des personnes touchées, et produit des effets d’entraînement entre les lieux de travail, l’économie et l’ensemble de la société.
Il figure depuis longtemps dans des accords internationaux sur l’égalité des genres et la lutte contre la discrimination adoptés par des gouvernements nationaux des Caraïbes. Les cadres juridiques nationaux dans la région comprennent également des protections contre le harcèlement sexuel au travail à différents degrés. Malgré ces progrès, les mouvements sociaux comme #MeToo et #LifeinLeggings ont illustré la persistance et les dommages du harcèlement sexuel et des actes associés.
Même si le harcèlement sexuel est reconnu comme un problème répandu et insidieux dans le monde entier, sa véritable ampleur est inconnue dû au manque de collecte de données sur la question et au sous-signalement. Bien que les données spécifiques aux Caraïbes sur le contexte du lieu de travail demeurent limitées, de récents rapports nationaux sur la santé des femmes, publiés dans le cadre de partenariats entre les bureaux nationaux des statistiques et des agences régionales, ont apporté de nouvelles perspectives sur les expériences de harcèlement sexuel :
Des études et des preuves anecdotiques mentionnées par d’autres pays caribéens dans leur rapport national sur la CEDEF et la Déclaration et le Programme d’action de Beijing montrent que le harcèlement sexuel se produit à une fréquence similaire, principalement contre des femmes et au travail, dans le secteur public comme dans le privé. En outre, plusieurs pays ont signalé que les individus ne connaissent pas les protections juridiques en place.
La fréquence de ce problème, les mobilisations sociales actives pour lui résister, et les anniversaires importants à venir de cadres internationaux relatifs aux droits des femmes et à l’égalité des genres créent un nouvel élan pour lutter contre le harcèlement sexuel au travail. Les efforts des parlementaires sont particulièrement essentiels dans cette réponse, étant donné leurs rôles de représentants des citoyens, de décideurs, de personnalités publiques et d’acteurs clés du contrôle du pouvoir exécutif.
Élaborer, étudier et mettre en œuvre des lois efficaces sur la prévention et la lutte contre le harcèlement sexuel au travail est une contribution unique et fondamentale que les parlementaires peuvent faire en proposant des réponses face à ce problème. Mettre en place ce type de législation peut avoir plusieurs buts importants :
Les manières spécifiques de traiter le harcèlement sexuel dans la législation varie dans le monde entier. La plupart du temps, le harcèlement sexuel au travail est traité dans une loi distincte portant spécialement sur le problème, ou dans le cadre de lois régissant l’un ou plusieurs des domaines suivants : le travail, la santé et la sécurité au travail, la lutte contre la discrimination, ou la lutte contre la violence. De nombreux pays prévoient des protections via plusieurs domaines, y compris le droit pénal, pour éviter les vides juridiques et proposer des options de mécanismes de réponse aux victimes. Actuellement, cinq pays des Caraïbes anglophones ont des cadres juridiques en place sur le harcèlement sexuel au travail. Leur approche varie, comme c'est le cas au niveau mondial : deux d’entre eux ont des textes législatifs distincts, l’un protège explicitement contre le harcèlement sexuel dans le cadre de la législation sur la lutte contre la discrimination, et deux font du harcèlement sexuel un crime.
Dans d'autres pays des Caraïbes, où aucune protection spécifique n'existe, la législation contre la discrimination sexuelle a été efficacement employée pour protéger des individus ayant vécu des expériences de harcèlement sexuel au travail. Des lois sur le congédiement injuste et la santé et la sécurité au travail peuvent également être utilisés à ces fins. La capacité à avoir recours à ces lois peut être avantageuse pour les employées et les employés, mais elle limite la fiabilité et l’exhaustivité des protections, en comparaison avec celles garanties par des lois spécifiques à la question. Le besoin du public d’utiliser ces protections de cette manière peut être un point de départ pour le plaidoyer parlementaire afin d’adopter des lois spécifiques.
En préconisant des lois nouvelles ou améliorées pour prévenir et répondre au harcèlement sexuel au travail, les parlementaires peuvent aussi s’inspirer d’autres politiques nationales, y compris des politiques ou stratégies pour l’égalité des genres, ou des plans d'action pour lutter contre la violence basée sur le genre. Les organismes nationaux pour l’égalité des genres et la lutte contre la discrimination, et les organisations ou mouvements de la société civile travaillant sur des sujets liés sont également des partenaires stratégiques à impliquer dans la préparation d’initiatives législatives et leur explication au public.
En plus des accords internationaux mentionnés dans la rubrique précédente, des outils disponibles aux niveaux régional et international peuvent également être utiles : IMPACT Justice a créé un projet de loi-type sur le harcèlement sexuel inspiré de projets de loi précédents de la CARICOM, et l’OIT a adopté une convention et une recommandations en la matière.
Une fois qu’un cadre législatif est en place, il est fondamental de le suivre et de l’évaluer de façon continue pour garantir sa mise en œuvre effective. Les efforts de mise en œuvre doivent également inclure une socialisation large de la législation pour garantir que le public connaisse les mécanismes d'aide disponibles, y compris directement sur le lieu de travail. Des formations sur les dispositions de la loi seront également nécessaires pour les employeurs et les fournisseurs de service afin qu’ils puissent mieux remplir leurs obligations de prévention et de réponse.
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L’inégalité des genres et les stéréotypes néfastes sur le genre et la sexualité sont des causes sous-jacentes du harcèlement sexuel. Certains perçoivent encore les lieux de travail et les postes de direction comme le domaine des hommes, et l’élimination progressive des barrières à la participation des femmes au marché du travail a des conséquences non désirées, comme le harcèlement sexuel, tandis que les rapports de force se réorganisent. Le problème ne peut par conséquent pas être éradiqué sans efforts complémentaires ciblés pour éliminer ces problèmes plus profonds. Une éducation et une socialisation plus larges autour des concepts de l’égalité des genres sont nécessaires pour promouvoir un changement culturel au travail et dans toute la société, qui devraient porter le respect, la diversité et le consentement enthousiaste en tant que valeurs fondamentales.
La législation sur le harcèlement sexuel au travail peut servir à encourager les initiatives nécessaires pour promouvoir cette transformation culturelle. Son existence même peut décourager le harcèlement sexuel en réaffirmant et en sensibilisant sur les conséquences néfastes de ces comportements. La législation peut également susciter l'adoption de mécanismes spécifiques de prévention par plusieurs acteurs et dans différents contextes. Cela peut inclure la création d’un mandat pour les organismes responsables, visant à introduire des campagnes publiques sur le harcèlement sexuel au travail, l’inclusion de contenu sur l’égalité des genres dans les programmes scolaires, un soutien aux ONG promouvant l’égalité des genres et la non-violence au niveau communautaire, et la création de ressources pratiques pour aider à cultiver un environnement plus inclusif sur les lieux de travail. De plus, les lieux de travail peuvent être chargés d’imposer une formation sur la prévention pour le personnel (la méthode de formation la plus efficace lorsqu’elle est appliquée régulièrement [source]) et de mettre en place leurs propres campagnes pour identifier les conséquences néfastes du harcèlement sexuel et les rendre visibles.
Tout le monde doit être activement engagé dans l’effort pour faire évoluer la culture. Cela signifie qu’il faut non seulement traiter tous les individus avec le même respect, mais aussi se tenir responsables les uns les autres et intervenir si possible lorsqu’on est témoin de harcèlement sexuel ou d’autres formes de discrimination. En tant que parlementaires et personnalités influentes, vous pouvez encourager davantage cette transformation en donnant l'exemple dans vos propres interactions et sur votre lieu de travail, ainsi qu’en promouvant son importance dans des déclarations publiques.
Si les parlements nationaux sont des lieux essentiels pour encourager la transformation sur les lieux de travail au sein du pays, il est également important de rappeler que les parlements sont eux aussi des lieux de travail et qu’ils doivent être inclus dans ce travail de lutte contre le harcèlement sexuel. Un certain nombre de facteurs spécifiques aux parlements peuvent même créer un plus grand risque de subir des actes de harcèlement sexuel pour les parlementaires et le personnel, comme les rapports de force accrus, la prise de décision politisée, la sous-représentation des femmes et des groupes marginalisés, les horaires de travail irréguliers, et le fait que le rendement au travail influe si fortement sur la sécurité de l’emploi future en influençant les possibilités de réélection.
Des recherches indiquent que les femmes en politique font partie des groupes les plus sujets au harcèlement sexuel (source). Cela relève du champ plus large du harcèlement et de la violence en politique basés sur le genre et devient une réalité pour de nombreuses femmes aussitôt qu’elles font preuve d’un intérêt pour l’engagement public. Pendant leurs campagnes, par exemple, les femmes peuvent subir des actes de harcèlement sexuel quand elles cherchent à obtenir le soutien du public et de donateurs potentiels, et elles doivent se frayer un chemin à travers les rapports de force genrés et autres dans ces situations. Les femmes actives dans la vie publique sont souvent sujettes aux attaques, y compris virtuelles, et à d'autres actes perpétrés dans le but de les réduire au silence ou de les discréditer. Cela reflète les idées fausses mais persistantes selon lesquelles la politique est un domaine masculin, dû à l'exclusion historique des femmes de ces espaces. Cela contribue aussi fortement à ce que les femmes continuent d’être sous-représentées. Connaissant ces potentiels effets secondaires dangereux de la participation politique, beaucoup de femmes renoncent à se présenter à des élections.
Une fois qu’elles intègrent la législature, cette discrimination et ce harcèlement se poursuivent. Une étude mondiale menée par l’UIP auprès de femmes parlementaires du monde entier a révélé que les femmes interrogées considéraient le harcèlement sexuel comme étant une pratique courante au sein du parlement, et que 20 % d’entre elles en avaient elles-mêmes été victimes durant leur mandat. Le fait que ces actes de harcèlement sexuel et basé sur le genre contre les femmes parlementaires soient perçus comme normaux, surtout ceux qui sont subtils ou ancrés dans la tradition, ainsi que ceux contre d’autres personnes employées au parlement, peut contribuer davantage à décourager la participation des femmes en politique. La majorité des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête de l’UIP ont déclaré qu’elles pensaient que ce découragement était le but du harcèlement dont elles avaient été victimes. Lutter contre le harcèlement sexuel dans le parlement en tant que lieu de travail est donc nécessaire pour créer des conditions propices pour des démocraties plus inclusives et par conséquent plus fortes.
Il existe des mesures spécifiques que vous pouvez défendre en tant que parlementaires dans votre législature pour renforcer les mécanismes de prévention et de réponse au harcèlement sexuel, en plus d’adapter celles mentionnées dans cette boîte à outils à votre environnement de travail particulier. Les parlements de la région adoptent de plus en plus de protocoles internes ou de codes de conduite contre le harcèlement sexuel, et de réformes législatives qui traitent la discrimination au travail dans le secteur public pour inclure des protections pour le personnel parlementaire. Certains pays ont même adopté des textes visant particulièrement à prévenir le harcèlement et la violence basés sur le genre en politique, et faisant référence au harcèlement sexuel. Promouvoir la formation sur l’égalité des genres et d’autres réformes sensibles au genre au sein du parlement peuvent également favoriser le respect et l’inclusion.
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Nombre de pays des Caraïbes anglophones ayant des cadres juridiques en place qui ciblent le harcèlement sexuel au travail
Pourcentage de femmes signalant avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel en Jamaïque
Pourcentage des femmes parlementaires interrogées par l’UIP ayant signalé avoir été victimes de harcèlement sexuel durant leur mandat législatif
Source : Enquête sur la santé des femmes 2016 : Jamaïque. ONU Femmes, Institut de la statistique de la Jamaïque et BID, 2018
Source : Union interparlementaire, « Sexisme, harcèlement et violence à l’encontre des femmes parlementaires, » bulletin thématique, 2016
Les bonnes pratiques suivantes ont été envoyées par des parlementaires et autres acteurs. Elles décrivent des techniques visant à mobiliser les hommes dans les initiatives pour l’égalité des genres.