Le paragraphe 20 de la résolution de l’Agenda 2030 de l’ONU, qui accompagne les Objectifs et cibles de développement durable, déclare que « toutes les formes de discrimination et de violence à l’égard des femmes et des filles seront éliminées, y compris avec le soutien actif des hommes et des garçons. »
« L’égalité des genres n’est pas un problème uniquement pour les femmes et les filles. Nous sommes tous bénéficiaires lorsque les femmes et les filles ont les mêmes opportunités que les hommes et les garçons, et c’est à nous tous de faire de cela une réalité. Nos fils ont le pouvoir et la responsabilité de changer notre culture sexiste. »
Premier ministre du Canada
Depuis ces dernières décennies, nous accordons davantage d’attention aux rôles et aux responsabilités des hommes dans la progression de l’égalité des genres. La quatrième Conférence mondiale sur les femmes de 1995 à Beijing, en Chine, a inspiré un changement de pensée, avec la Plateforme d’action appelant à la « transformation radicale des relations entre les femmes et les hommes » et à « une volonté d’inciter une nouvelle génération de femmes et d’hommes à travailler ensemble à l’instauration d’une société plus équitable. »
Analyser les masculinités a été un aspect central des conversations mondiales sur l'amélioration des relations entre les genres. Dans presque toutes les cultures, la masculinité traditionnelle est définie de façon rigide et étroite. Elle est influencée par des idéaux toxiques de ce que signifie être un homme, inculqués durant la socialisation dès la petite enfance, et pouvant perpétuer les inégalités en renforçant les notions de la dominance masculine. La violence compétitive et l'agression sexuelle peuvent être encouragées, tandis qu'exprimer la plupart de ses émotions, s’occuper d’une part équitable des tâches ménagères et de soin, et/ou demander de l’aide en cas de souffrance, d'abus ou de trauma peuvent être découragés.
Dans les Caraïbes, la discipline académique des études sur la masculinité est apparue comme un domaine important de recherche sur ces questions. Le corps de recherche analyse les spécificités culturelles, historiques et post-coloniales, ainsi que les opportunités et les résistances locales. Parmi les universitaires et les praticiens, une préoccupation concernant les taux élevés de violences sexuelles, de délinquance juvénile et de L.G.B.T.Q.I.phobies a conféré un élan à l’étude des masculinités dans la région.
Si la mise en œuvre de la Plateforme d’action de Beijing a été irrégulière et les interventions principalement ciblées sur quelques domaines seulement (ex. : santé, prévention de la violence, parentalité et lieux de travail), le succès des efforts actuels a entraîné une quantité croissante de preuves qui corroborent cette approche de l’égalité des genres. Cela a soutenu l’élargissement de cadres politiques et de développement international, et des initiatives des secteurs privé et public reconnaissant l’implication des hommes comme essentiels pour réduire les inégalités de genre.
Les hommes au parlement peuvent jouer un rôle fondamental pour favoriser la progression dans ces domaines et pour aider à bousculer les normes de genre négatives dans différents espaces sociaux et politiques. Comprendre comment la masculinité toxique contribue à l’inégalité de genre peut mener à des stratégies innovantes et efficaces.
Les alliés sont des individus agissant par solidarité aux côtés de groupes marginalisés dans leur lutte pour l’égalité et la justice sociale. Ils œuvrent à obtenir des changements significatifs informés par les groupes eux-mêmes, en s’assurant que leur soutien ne renforce pas les schémas d’oppression ni n'affaiblit le pouvoir, la voix et le leadership de ces groupes.
Les alliés masculins pour l’égalité des genres sont des défenseurs qui travaillent en partenariat avec des femmes pour éliminer et transformer les relations et stéréotypes de genre néfastes. Les alliés efficaces tiennent compte de et soutiennent les principes ci-dessous.
Conscience du privilège masculin
Être un allié masculin implique de reconnaître les façons dont les hommes en tant que groupe bénéficient de privilège politiques, économiques et sociaux. Si les hommes peuvent également être victimes de discrimination dû à leur genre et/ou à des éléments intersectoriels de leur identité (comme la classe sociale, la sexualité, l'ethnie, l’âge et la présence de handicap, entre autres), ils sont globalement privilégiés par rapport aux femmes dans l’ordre du genre actuel. Les alliés comprennent, reconnaissent et, le cas échéant, profitent de leur privilège masculin pour aider à réparer les déséquilibres de pouvoir genrés.
Recherche constante d’opportunités d’apprentissage
Les alliés masculins s’engagent avant tout à s’éduquer sur ces questions clés liées à l’inégalité de genre. Cela permettra de mieux comprendre les nombreux points de vue et réalités vécues par les femmes et autres groupes sociaux désavantagés par les relations normatives de genre. Ce type d’éducation informera une action adaptée et respectueuse.
Les sources d’information clés incluent les témoignages de femmes de différents milieux, les informations diffusées sur les réseaux sociaux d’organisations pour l’égalité des genres, et le contenu créé par des femmes, comme les articles d’opinion, les conférences et les analyses politiques.
Responsabilité envers les groupes pour les droits des femmes
Les alliés masculins réfléchissent de manière critique au fait que leur position élevée dans la sphère publique est possible car d'autres groupes sont subordonnés. Dans certaines circonstances, la participation des hommes au travail pour l’égalité des genres peut susciter, et cela est compréhensible, de l’appréhension au sein des mouvements et des organisations pour les femmes. Il est nécessaire d’utiliser son privilège pour promouvoir l’égalité des droits, mais sans détourner l'attention des femmes et des victoires durement remportées par le féminisme au cours des derniers siècles.
Travailler avec différents groupes pour les droits des femmes et favoriser des relations de confiance aidera à orienter les contributions des alliés. Les alliés peuvent s’engager à s’assurer que le public large reconnaisse le pouvoir des femmes et entende davantage leurs voix, plutôt que de voir d’autres personnes parler pour elles et suivre la compréhension traditionnelle du genre, selon laquelle les hommes sont considérés comme les protecteurs des femmes.
Soutenir la parole par l'action
Si beaucoup d’hommes sont d'accord en principe avec l’égalité des genres, une véritable progression nécessite que ce soutien se traduise par des actions concrètes. Les alliés masculins égalisent par conséquent le terrain de manière proactive et diffusent leurs privilèges historiques. Cela peut inclure le fait de soutenir des mesures spéciales temporaires pour les femmes, de leur faire de la place aux postes de direction les plus élevés, ou de partager la responsabilité des tâches péjorativement considérées comme féminines.
En tant que parlementaire, votre capacité à avoir un impact est intensifiée car vous pouvez maximiser les voies uniques disponibles pour passer de la parole aux actes, et pour influencer la volonté politique afin de promouvoir l’égalité des genres aux plus hauts niveaux. Ces contributions sont abordées plus en détail dans les modules suivants du kit d’outils, et peuvent établir et maintenir une nouvelle norme pour les hommes au pouvoir.
Encourager les autres à participer
Faire part de ses connaissances et mobiliser d’autres hommes dans des initiatives pour l’égalité des genres sont de précieuses contributions des alliés masculins. Des études montrent que les hommes réagissent généralement mieux face aux hommes qu'aux femmes sur ces sujets. Bien que la légitimité sociale des hommes par rapport à celle des femmes soit à la racine du problème, cela est un exemple du privilège dont les hommes peuvent tirer profit pour remettre en cause le patriarcat et changer cette réalité.
Assumer la responsabilité de motiver d’autres personnes à aborder différemment l’égalité des genres et des femmes, avec les hommes en tant qu'acteurs clés, peut également réduire la charge que ce travail représente pour les femmes.
En tant qu’institutions sociales où les relations de genre sont simultanément renforcées, négociées et remises en cause, les parlements peuvent avoir une influence positive sur la vision qu’a leur pays de l’égalité des genres. Toutefois, il peut être difficile de mobiliser le changement dans les législatures car leurs opérations sont le résultat de traditions et de hiérarchies anciennes. À l’origine, les parlements ont été conçus par et pour les hommes, et demeurent principalement dominés par des hommes dans le monde entier.
Mieux comprendre comment l’inégalité agit dans ce contexte est impératif pour les alliés de l’égalité des genres du parlement. À partir de là, sensibiliser au besoin de solutions adaptées au contexte appuiera la réalisation de l’ODD 5 sur l’égalité des genres et de l’ODD 16 sur la bonne gouvernance et les institutions fortes.
Faible représentation
Le nombre de femmes élues et nommées au parlement, connu comme la représentation descriptive, est l’une des mesures conventionnelles de l’autonomisation des femmes en termes de comparaison mondiale. Un pourcentage plus fort de femmes au parlement permet de nombreux avantages pour le développement social et économique. La représentation substantielle consiste en la capacité des femmes à influencer l’agenda législatif et à aborder leurs différentes préoccupations, et à le faire sans subir de discrimination. La défense des droits et du leadership des femmes par les hommes contribue à poursuivre cet objectif, comme le fait d’assurer que ce travail soit correctement financé au sein du parlement.
Bien qu’une grande part de la discussion sur l’égalité des genres en politique concerne la représentation descriptive (les chiffres), il faut également prêter attention aux aspects qualitatifs de la participation des femmes. Il est important d’examiner le nombre de femmes aux postes de direction, comme les ministres et les présidentes de comité, et si leur portefeuille est considéré comme « difficile » (finances, affaires étrangères, commerce, industrie, etc.) ou « légers » (culture, éducation, transformation sociale, etc.). Augmenter la représentation descriptive ne se traduit pas nécessairement par une représentation substantielle; on doit garantir aux femmes non seulement des sièges mais aussi des voix fortes au parlement en faveur de l’égalité des genres. C’est pourquoi des experts soulignent l’importance des « acteurs essentiels » comme les alliés masculins qui promeuvent les objectifs féministes au parlement.
Pratiques institutionnelles discriminatoires
C'est sous des formes explicites comme la violence physique ou les écarts salariaux que l’on reconnaît le mieux l’inégalité, mais elle se manifeste également sous des formes plus difficiles à reconnaître. Les préjugés basés sur le genre peuvent créer des obstacles importants mais moins évidents qui limitent la capacité des femmes et d’autres groupes sous-représentés à contribuer pleinement à la vie politique.
Avez-vous observé l’une des tendances suivantes dans votre parlement?
Le « old boys’ club » (club des hommes) : L’échange d’informations politiques et la prise de décision se font dans des espaces informels potentiellement moins fréquentés par les femmes (boîtes de nuit, bars ou événements sportifs).
Micro-agressions ou « sexisme ordinaire » : Lors des sessions plénières, des collègues décident de regarder leur téléphone ou de lire d’autres ressources quand interviennent des femmes.
Tokenisation : Les minorités ont l’impression que leur présence est avant tout une déclaration politique, et qu’au lieu de représenter leurs opinions, elles devraient s’estimer heureuses d’être présentes.
Ces comportements et attitudes sexistes du quotidien dans les institutions parlementaires contribuent à un environnement politique plus large où la violence politique sexiste prospère. Ces formes de harcèlement et de discrimination violent les droits politiques des femmes et affaiblissent la représentation de leurs intérêts, minant ainsi la gouvernance démocratique.
Manque de contrôle en milieu de travail
Il existe peut-être trop peu d’incitations ou de mécanismes au sein du parlement pour rendre visibles les expressions formelles et informelles de l’inégalité de genre. Pour démarrer ce processus, les défenseurs et les alliés de l’égalité des genres peuvent utiliser le cadre de l’Union interparlementaire (UIP) pour un parlement sensible au genre. Il décrit 7 domaines d’action pour promouvoir un environnement professionnel accessible, juste, sûr et respectueux où les femmes auront envie de travailler. L’outil d'auto-évaluation de l’UIP facilite l’évaluation des législatures individuelles conformément à ces critères. La section correspondant au domaine 5 sur la responsabilité partagée des hommes peut particulièrement vous intéresser.
Les parlementaires peuvent encourager à réaliser cet exercice de contrôle afin de préparer le terrain pour le changement. Les résultats obtenus aideront à définir des actions prioritaires ciblées et informées par un processus de consultation inclusif.
Les parlementaires peuvent tirer profit de leur importance pour influencer l’opinion publique, les autorités et structures politiques, et les agendas législatifs en faveur de l’égalité des genres. Étant donné que les hommes sont largement plus nombreux que les femmes dans la plupart des parlements, un leadership audacieux des alliés masculins dans ce contexte accélérera les efforts d’inclusion sociale et juridique. Ce travail engagé, en solidarité avec les femmes et les groupes marginalisés, améliore de plus la représentation et renforce les conditions pour gagner la confiance des citoyennes et des citoyens.
Stratégies interpersonnelles
Certains des changements les plus importants pouvant être dirigés par les alliés se font au niveau individuel. Sensibiliser à et remettre en cause l’inégalité lorsque vous en êtes témoin dans l’enceinte parlementaire aidera à changer la culture institutionnelle et encouragera d’autres personnes à s’exprimer. Exemples :
Des politiques institutionnelles pour des espaces politiques inclusifs
Les alliés peuvent influencer la structure interne des parlements pour aider à renforcer la participation de différents groupes. Officialiser la sensibilité au genre dans les pratiques politiques et dans les politiques (informées par vos apprentissages, des consultations ou un audit sur le genre, le cas échéant) améliorera certainement le fonctionnement de votre parti et de votre parlement.
Des parlementaires provenant de pays caribéens ont identifié les initiatives prometteuses suivantes que vous souhaiterez peut-être défendre dans votre législature :
Si ces projets sont déjà en cours, les alliés peuvent collaborer avec les organisateurs pour garantir la participation politique et autres types de soutien si nécessaire.
Application de l’approche de genre à l’élaboration des lois et du budget
Une perspective de genre doit être appliquée lors de l’étude de tout projet de loi, dans tous les comités et par tous les parlementaires. S’il existe, le bureau du genre sera bien placé pour vous aider, ainsi que votre personnel, à intégrer le genre dans ce travail. De nombreuses ressources utiles sont également disponibles sur le site web de ParlAmericas.
Les alliés peuvent aussi promouvoir des affectations budgétaires reflétant un engagement national à atteindre l’égalité des genres, avec des initiatives correctement financées afin de faire avancer la situation des femmes et des groupes marginalisés. Les dépenses dans tous les secteurs doivent également être examinées pour connaître leurs impacts différenciés sur les femmes et les hommes, ce qui peut être projeté à partir d’une analyse de la budgétisation sensible au genre en amont des débats sur le budget. Cela devra être accompagné d’une demande de données globales ventilées par genre et autres facteurs sociaux.
Enfin, les alliés masculins au parlement peuvent aider à aligner la législation et les dépenses avec des engagements internationaux comme les ODD et la CEDEF, des cadres régionaux comme Belem do Pará, et des politiques ou des plans d’action nationaux sur le genre s’ils existent.
Collaborer avec des parties prenantes aux niveaux local et international peut élargir l’impact de tous les investissements des acteurs dans l’égalité des genres. Les partenaires potentiels incluent les institutions régionales, les universités, les entreprises, les parlements de jeunes, les praticiens du développement, les mouvements pour les femmes et les ONG.
Ces groupes de la société civile peuvent fournir un accès à toute une expertise sur les bonnes pratiques, ce qui est particulièrement utile pour déterminer des points d’entrée pour les initiatives visant l’égalité des genres et promouvant la participation des hommes, ou pour obtenir des retours sur des politiques ou des budgets avec une approche de genre. Les alliés masculins au parlement, quant à eux, étendent leur influence pour promouvoir des projets pertinents dans des lieux stratégiques.
Les organisations et les initiatives ci-dessous ne sont qu’un échantillon des ressources que les alliés masculins peuvent consulter et soutenir dans leurs efforts pour promouvoir l’égalité des genres.
Campagnes
Organisations
Au-delà des organisations de ce type, qui ont des missions précises pour mobiliser les hommes, il est essentiel d’apprendre de et de soutenir des groupes et mouvements de femmes, en particulier ceux de terrain. Ces groupes peuvent être les mieux informés des besoins et des expériences de vie de différentes femmes, ce qui doit orienter tout travail pour l’égalité des genres.
Recherche
Il est fondamental de créer des liens avec des groupes de la société civile partageant la même vision afin de garantir que l'action pour l’égalité des genres suive un calendrier stratégique et qu’elle soit bien informée et durable sur le long terme. Les alliés masculins au parlement sont bien placés pour intégrer leurs bonnes pratiques et leurs preuves à leur propre travail, et pour renforcer leurs missions au niveau institutionnel.
« L’une après l’autre, les études nous ont montré qu’il n’existe aucun outil plus efficace pour le développement que l’éducation des filles et l’autonomisation des femmes... Quand les femmes sont pleinement impliquées, les avantages se font immédiatement remarquer : les familles sont plus saines; elles s’alimentent mieux; leurs revenus, économies et investissements augmentent. Et ce qui est vrai pour les familles l'est aussi pour les communautés et, en fin de compte, pour les pays. »
Ancien secrétaire général des Nations unies
Les bonnes pratiques suivantes ont été envoyées par des parlementaires et autres acteurs. Elles décrivent des techniques visant à mobiliser les hommes dans les initiatives pour l’égalité des genres.